Les yeux mi-clos. Rêve-t-il encore? Il a un peu froid. Le bruit du vent chasse un silence sous-marin. Est-ce le matin? Il croit que oui. Au fond de la chambre, il aperçoit vaguement quelques rayons de soleil timides, blancs, sans lumière. Un faux éclairage de théâtre. Ses yeux se ferment alourdis par la fatigue, ou l'alcool peut-être. Une haleine de vin macéré lui monte à la tête. Une sensation très désagréable. Aucun souvenir de la veille: Black-out. Où est-il? Qui est-il?
Il se rendort, comme aspiré par ses voix intérieures. Un lit qu'il ne connaît pas, un lieu qui n'est pas le sien. De très loin, il semble reconnaître le tic-tac d'une horloge qui l'emporte vers le sommeil du juste. Agité, il est comme avalé par un tourbillon, une spirale géante qui étourdit son esprit et le mène au pays des rêves. Combien de temps s'est-il passé? Vingt minutes? Trois heures? Cinq? Six peut-être. Une odeur de rôties brûlées le réveille.
Il ouvre lentement les yeux. Lourdes d'avoir trop voyagé, ses paupières laissent passer quelques images floues et incohérentes. Mais où est-il? Et ce chat noir qui trône sur le bord de la fenêtre et qui semble si indifférent à cette visite impromptue, à qui appartient-il? Un peignoir asiatique, en soie vert mousse qui traîne au pied du lit.
Il tourne la tête vers sa gauche, un léger parfum de femme émane de l'oreiller. Un indice. Une chambre de femme. Il reconnaît ses vêtements négligemment pliés sur la commode Louis XV. Flash-back, une chanson de Phil Collins, un bar, une femme aux lèvres peintes de couleur orange, comme une nectarine du Maroc… Un regard de feu, une invitation, une peau de pêche, un parfum, toujours le même.
Il bouge à peine. Il reprend vie lentement, en s'efforçant de mettre tous les morceaux en place. De son lit, il aperçoit, depuis la fenêtre, quelques immeubles du centre-ville. Je suis à L'Île-des-Sœurs, songe-t-il. Le chat a disparu. Rien, il ne se rappelle de rien. Quelqu'un s'active ailleurs, dans la cuisine peut-être, des bruits de vaisselle, des pas qui vont et viennent. L'horloge sonne…Six, sept, huit, il est huit heures. Dimanche matin, dans le lit d'une inconnue. Quand, comment, pourquoi? Questions élémentaires, non ?
Quand? Un party de bureau qu'il termine dans un bar adjacent. Bravo mon grand, un morceau de robot. Comment? J'ai sans doute encore trop bu, se dit-il. Pourquoi? Parce que je suis un peu stupide peut-être. Il sort un pied et se redresse lentement hors du lit. Ça tourne encore et il sent son corps l'abandonner lorsqu'une voix s'adresse à lui.
-Vous n'êtes pas obligé de parler. Il y a un peignoir dans la salle de bain pour vous, prenez une petite douche. Le petit déjeuner est prêt. Je m'appelle Julie. Je pars pour la journée, laissez la clef sur la petite table du vestibule.
La femme en question part et l'abandonne dans le mystère le plus complet. Il remet ses vêtements, sort de la chambre et se sauve comme un voleur. Il saute dans un taxi qui le mène à sa voiture. Il démarre sa BMW et, en se rendant chez lui, réalise qu'un parfum connu l'accompagne… à suivre.




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